Pour cette 115eme fête de la science de l’école, Elise avait décidée de faire les choses en grand, pas question de se contenter d’exposer quelques pauvres petits terrariums sur une table ou leurs pauvres petits pensionnaires se seraient ennuyés à mourir en plus de manquer de crever de chaud. Non cette fois, le stand de biologie serait grandiose, une magnifique reproduction en papier mâché de l’entrée de l’antre de Vilemaw (merci les colles pour la main d’œuvre) donnant sur une salle sombre délimité par des tentures cirées noires et scotchées hermétiquement à  l’intérieur.
Elle avait passé des heures à décorer cette pièce pour y restituer un environnement tropical dans lequel étaient disposés une bonne partie de ses petits bébés préférés, dans des terrariums immenses tout entourés de vrai verdure, la jardinière ayant été assez aimable pour lui rendre ce service.
Pour l’occasion elle avait même enfilée son costume d’halloween favori, celui d’une veuve noire, et avait bien évidement disposée de nombreux petits panneaux explicatifs sur les différentes espèces, insectes, arachnides et reptiles qui sinuaient rampaient, gambadaient et tissaient.
La créature la plus dangereuse de l’exposition restait son chat, à qui elle avait réservée une place spéciale, ou l’imprudent pouvait passer la main dans une boite et tomber sur l’humeur du moment du matou, une petite blague dont elle se gaussait déjà à l’avance.
Après une ultime vérification de toute sa petite installation, en particulier les lampes infrarouges et la température dans les cages, elle sortit de la caverne artificielle pour se poser sur une sorte de trône sculpté dans le papier mâché et maintenus par une armature en bois dessous.
Il ne restait plus qu’à attendre les visiteurs.

S'il y avait un point sur lequel la plupart des professeurs s'accordaient, c'était que Katarina était l'une des élèves les plus difficiles qu'il leur ait été donné d'avoir.

Non pas qu'elle manque de capacités intellectuelles. C'était d'ailleurs l'un de leurs désespoirs, de savoir qu'elle avait les capacités, mais ne les utilisaient pas. Préférant sécher les cours (ce qui était peut-être encore le mieux, puisque lorsqu'elle y était, elle avait tendance à tout faire pour transformer la classe en souk), accumuler les heures de colle (ou elle n'allait que rarement, au grand soulagement de ceux qui devaient la surveiller) et les renvois comme un yordle accumulerait les cartes à jouer, et n'ayant pas la moindre notion de ce que le terme "autorité" pouvait représenter.

L'on aurait pu se demander par quel miracle elle n'avait jamais redoublé de classes. La réponse tenait en deux raisons simlpes : aussi mauvaises que ses notes soient en classes, ses résultats aux examens étaient bons. Et surtout, aucun de ses professeurs n'aurait aimé l'avoir un an de plus que nécessaire dans sa classe.

Sauf peut-être une. S'il y avait une matière - en dehors de l'EPS, dont le professeur était parti en dépression depuis quelques temps - à laquelle la jeune rouquine donnait sans compter son intérêt et ses efforts, c'était en biologie. Sa moyenne en la matière était aussi proche du 20 que les autres tendaient vers le 0, et elle était d'une sagesse exemplaire, ainsi que d'une vivacité d'esprit peu commune lors de ces cours, prenant même du temps supplémentaire régulièrement pour venir aider les divers vivariums et terrariums à mieux se porter, ou tout simplement parfaire ses connaissances et retravailler la moindre erreur sur ses exercices.

Résultat, il avait été couramment admis que chaque heure de colle que récolterait Katarina pour une raison diverse, serait confiée aux soins de miss Zaavan, professeur émérite de biologie des terminales (et autres), qui était visiblement la seule à savoir canaliser la fougue de la demoiselle aux cheveux de feu. Arrangement qui semblait avoir offert un certain équilibre (et une pause aux surveillants), permettant de la caser quelque part quand ils ne voulaient pas la voir, et que Katarina considérait plus comme une chance qu'une punition.

Ces derniers temps, elle avait été particulièrement zêlée dans sa capacité à prendre des heures de colle, puisque la fête de la science de l'école approchait, et avec, le temps nécessaire à passer pour préparer l’événement. Passant bien sûr le temps nécessaire sans se soucier de s'il lui était imposé ou non et de si elle dépassait de ses heures de colle ("Oh, zut, c'est vrai, j'avais cours de maths cette après midi... Bon ben de toute façon il est fini alors autant continuer").

Rinçant les restes de terre, de colle et de poils de chat roux de ses mains dans le lavabo de la salle de chimie dont elle avait "trouvé" les clefs, par pur hasard, alors qu'elle cherchait une idée de ce qui pourrait être un bon présentoir à plantes (les bescher marchaient à merveille), elle revint aider aux dernières vérifications. Particulièrement pour son chouchou, dont elle avait soigné l'installation avec l'aide de sa professeur : Platon, le python qu'elle avait plus ou moins adopté depuis qu'elle l'avait chipé quelques heures pour effrayer un groupe de pimbêche (sa soeur comprise) qui avait tourné en ridicule un môme de 5ième en lui écrasant son gouter dans les cheveux, en le harcelant jusqu'à ce qu'il fonde en larmes et distribuant les photos au reste du collège.

La fête de la Science faisait non seulement trembler tout le lycée mais le collège et surtout le corps professoral de ce dernier était aussi pris dans l'engouement scientifique de l'école. Les jeunes élèves avaient donc mis la main à la pâte pour préparer l'évènement aux visiteurs, qui se résumaient principalement à leurs parents. Tout comme chez les grands l'atelier "papier mâché" remportait un franc succès ; au contraire ceux des sciences mathématiques et physiques furent bien vite catégorisés comme trop ennuyeux aux yeux des petites têtes blondes.

Bien que Lulu ait toujours adoré se salir les mains de colle en faisant du papier mâché ou bien avec de la pâte à sel, elle avait renoncé à y aller : il y avait déjà bien trop d'enfants là-bas et ils n'étaient pas toujours très gentils avec elle. Son hésitation se fit donc entre les exposés animaliers de biologie ou elle pourrait démontrer l’étendue de ses connaissances sur son ami Pix ou bien les cours de cuisines en chimies ou il fallait préparer boissons et zakouskis pour le public. Elle aurait aussi pu participer à la fabrication de guirlandes en papier mais on lui avait interdit d’utiliser les grands ciseaux après qu’elle ait essayé de faire une nouvelle coupe de cheveux à une camarade de classe. Après de longues nuits à y réfléchir, elle décida de présenter un petit panneau à côté des autres de sa classe et de servir en journées les quelques boissons de son cru.
Elle en préparait en telles quantité que le laboratoire de l’école se remplissait partout différentes bouteilles avec des post-it « ne pas toucher » pendant quelques temps avant de migrer vers les frigos des cuisines. Avec l’aide d’un professeur elle prépara donc plusieurs mélanges, illustrant chacun un principe chimique : boisson gazeuse mais aussi certaines fumantes ou bien au mélanges de couleurs étranges. Elles avaient toutes une particularité surprenante et parfois très étrange mais tout était potable. Lulu avait aussi préparé un bon nombre de pâtisseries pour le goûter et ce, sans que ce soit dans un cadre particulier. Les coloris chatoyants des glaçages de muffins côtoyaient un gros bocal remplis de cookies.

Le jour même, elle était arrivée bien en avance, avait installé son panneau explicatif dans la classe avant de se poster derrière le stand un peu trop haut pour elle avec un grand sourire, prête à accueillir et à tout expliquer en long en large et en travers aux futurs cobayes …

Malheureusement, l’évènement ne semblait pas attirer les foules pour le moment, nombreux étaient les professeurs ou les élèves qui possédaient leur propre stand, ce qui diminuait légèrement le nombre de visiteurs.
Un ou deux jeunes avaient cependant tentés leurs chances dans la jungle inquiétante de la prof de biologie et étaient ressortis avec quelques griffures et poils roux collés aux vêtements. Elise s’était contenté de sourire, de leur rappeler que les animaux les plus moches ou les plus gros n’étaient pas nécessairement les plus dangereux et qu’un chat venait de leur démontrer qu’il était bel et bien un petit fauve, avant de les envoyer à l’infirmerie après cette petite leçon édifiante de zoologie.
Elle accorda à son matou adoré quelques grattouilles bienveillantes en lui demandant s’il s’était amusé, lui donna de petits bouts de poulet cru pour le féliciter, puis se tourna vers Katarina qui furetait tranquillement au milieu des reptiles comme en territoire conquis.

"Je pense faire un petit tour pour voir les autres stands Miss Du couteau, puis-je vous laisser la garde de celui-ci ? Je compte sur votre sens des responsabilités pour ne pas faire ce que je ne ferai pas."

Le professeur Zaavan s’accorda un sourire, avec Katarina c’était plutôt à un serpent dans le pantalon que les jeunes visiteurs insouciants risquaient de se confronter, mais après tout, même si ce n’était pas Halloween, le stand de biologie avait pour but de faire découvrir des animaux étranges et potentiellement dangereux en plus d’apprendre des choses utiles sur la nature (non, il ne faut pas laisser son doigt dans la bouche d’un bébé crocodile).

[hrp : j’arrive lulu !]