La nuit là-bas n’avait à voir avec celle qu’on connaît aujourd’hui. Emprise d’une force régénératrice, son caractère était presque sacré. La pleine lune, d’entre les branches faisait luire les feuilles des arbres de ses derniers rayons, il était possible d’y voir en transparence la sève traversant le xylème, brillant de bleu. Des fleurs émanait une chaleur féérique telle que les abeilles n’osaient venir les butiner, chaque brin d’herbe était aussi beau qu’il méritait toujours au moins quelques secondes d’attention. On aurait même dit que le vent parvenait à disperser cette étrange lumière sur son chemin, que sans torche il était possible d’évoluer à travers les rochers, les souches creuses et les pièges que renfermait la forêt sans avoir à se soucier de se faire mal en trébuchant. Tout cet endroit était animé d’énergie qu’on trouvait partout ici et nul part ailleurs : Le Sinn.

Le Sinn, ce n’était pas une énergie spirituelle qui résidait dans l’esprit ou sur un autre plan de l’espace, mais d’une énergie physique, qu’on pouvait toucher, qui avait une odeur, une couleur, qui brûlait ceux qui ne la connaissaient pas et dont on apprenait à maîtriser le flux. Un liquide, une densité à peine plus haute que celle de l’eau, opaque et luisante. Le Sinn, une énergie qu’on pouvait retrouver en tout être vivant, de la fleur à la plus développée des créatures habitant ces lieux.

Les créatures habitant ces lieux? Elles ne représentaient rien par rapport à la population de plantes, elles étaient presque négligeables! Mais on les retrouvait là depuis des siècles. Leur simple présence nourrissait la terre de cette énergie si bénéfique à la nature, et si elle ne les avait pas chassé d’ici c’était bien parce que la source de cette force provenait de ces créatures. Une civilisation mystique et magique dont on ne savait toujours trop peu aujourd’hui, et que les rares à en connaître l’existence la pensait disparue depuis déjà bien longtemps.

Ainsi, la tribu qui marchait sur ces terres et maîtrisait le flux se nommait Lubek Paar, traduisible par “Patte de la Lune”, possédant cet astre comme symbole. Nés du Sinn, modelés à partir du Sinn, poignardez en un et vous ne verrez pas une goutte de sang couvrir vos mains et tâcher vos vêtements, juste un fluide bleu qui faisait bouger leur corps de la même manière, certainement avec un charme déjà plus magique et enchanteur que la théorie de la biologie actuelle.  Comme de nos jours on connaissait les dangereux Kiilash, ou bien… les très humides Marai? Les Lubek Paar portaient le même nom qu’on leur donnait à eux tous malgré toutes ces différences. Ils n’avaient rien en commun avec les chats ou les sirènes, au contraire. Tous ressemblants à nos canidés, jusqu’au sein du groupe on notait des disparités. Là où certains ressemblaient à nos célèbres renards roux, d’autre plus exotiques pouvaient ressembler à nos hyènes, à nos coyotes. Certains s’aimaient, d’autres se haïssaient. Ils ne faisaient pas la guerre, car ils n’avaient pas besoin de terres. Ils ne mouraient de faim, car la nature leur apportaient tout ce dont ils avaient besoin, la seule compétence requise était celle de chasseur-né. Leur instinct était animalier, mais ils se comportaient socialement et morphologiquement de manière parfois même plus complexe que celle des humains. En dépit de ce trop gros manque d’informations à leur sujet, de leur extinction supposée à plusieurs milliers d’années les historiens étaient tous unanimes à ce sujet, on allait appeler ces créatures ayant peuplé le centre de Runeterra, Vastaya.

Distant Planet, de Stephanie Stutz